Michel Combes abandonne le navire et part avec la caisse du bord
Lors du naufrage du Costa Concordia, nous croyions avoir touché le fond avec son courageux capitaine, le commandant Francesco Schettino.
Et bien non Michel Combes fait mieux encore : il abandonne le navire et part avec la caisse du bord, soit la coquette somme de 13,7 Meuros, après seulement 2 ans et demi à la barre d'Alcatel-Lucent. Cette somme démesurée représente plus de 11 fois son salaire fixe annuel et sera versée sous la forme d'actions : si le cours de l'action monte elle pourra donc être très supérieure. Et tout cela sans compter la modeste retraite chapeau de 50.000 euros par an !
Les révélations du JDD ont provoqué un tollé général dans les médias, dans les milieux politiques, au gouvernement et chez les syndicats. Même le MEDEF et le très libéral Ministre de l' Economie Emmanuel Macron sont choqués. Le cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest a de son côté déposé une plainte pour "manipulation du marché" auprès de l' AMF, qui est cours d'instruction.
Il y a en effet beaucoup d'éléments étranges dans cette affaire qui ne se limitent pas au caractére démesuré de la somme. Michel Combes, après avoir déclaré qu'il renonçait à son parachute doré, a finalement fait modifier les régles d'attribution, car il ne remplissait plus les conditions de présence et de performance prévues initialement du fait de son départ prématuré chez SFR/Numericable. Il faut dire que c'est un spécialiste de la modification des règles du jeu après la fin de la partie. C'est ainsi qu'en février 2015 il a décidé de supprimer la part Corporate (40%) du bonus 2014 des cadres alors que l'objectif correspondant avait été atteint à 129% selon les régles fixées par lui début 2014. L'objectif ayant été dépassé c'est en réalité 51,6 % du bonus cible des cadres qui a été ainsi amputé arbitrairement.
Plus étrange encore : une indemnité de non-concurrence pour un montant de 4,5 millions d'euros a été rajoutée par le Conseil d'Administration le 29 juillet dernier. La clause de non-concurrence interdisait à Michel Combes de partir travailler chez un autre équipementier Télécoms pendant 3 ans. Même si c'est tout à fait inhabituel, la législation n'interdit pas de négocier une telle clause au moment du départ. Mais dans le cas de Michel Combes il était de notoriété publique depuis le mois de mai qu'il partait chez l' opérateur SFR .
Alors oui, la CFE-CGC le reconnait : Michel Combes a sauvé le Groupe d'une probable faillite, même si il est encore loin d' être tiré définitivement d'affaire. Il a notamment restructuré la dette, il a remboursé par anticipation le prêt "Goldman Sachs" gagé sur nos 30000 brevets, il a redonné confiance aux clients et il a fait des choix technologiques pertinents.
Mais il faut le rappeller : la restructuration du Groupe s'est faite au prix d'un plan social d'une violence sans précédent dans son histoire :
- 10000 emplois supprimés dans le monde dont 600 en France via un PSE coercitif
- des centaines de salariés français externalisés, dont une partie vers des sociétés de service "bas de gamme" avec une convention collective désavantageuse
- la cession d' Alcatel-Lucent Entreprise et celles à venir des Cables Sous-Marins et du site industriel de Eu
- 4 sites sur 7 fermés en France entrainant de nombreuses mobilités forcées, le 5ème site (celui du siège) étant en sursis du fait du rachat d' Alcatel-Lucent par Nokia
- un accroissement très significatif des risques psycho-sociaux.
La CFE-CGC est favorable à la récompense de la performance. Elle a toujours défendu le bonus des cadres et réclame depuis des années sa généralisation aux mensuels. Mais les montants doivent rester raisonnables et les règles d'attribution ne doivent pas être modifiées en cours de route ou pire encore à postériori. Les indemnités de Michel Combes ne répondent manifestement pas à ces 2 conditions.
Mais pour la CFE-CGC, le plus grave ce ne sont pas les indemnités accordées indûment. Le plus grave c'est le départ prématuré de Michel Combes alors que le plan de redressement Shift n'est pas achevé et que Alcatel-Lucent va être racheté par Nokia. Les mois à venir sont cruciaux pour cette opération de rachat qui ne devrait pas être finalisée avant 6 mois et qui aura des impacts majeurs sur l'emploi.
Alors que le navire Alcatel-Lucent s'approche d'une côte dangereuse pleine de récifs, de hauts-fonds et de courants contraires, le capitaine décide d'abandonner le navire.
Alors Monsieur Combes, s'il n'est plus possible pour vous de remonter à bord, ayez au moins l'élégance de renoncer par vous-même à la majeure partie de vos indemnités !
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En bonus, nous invitons nos visiteurs à visonner l' interview de Frédéric Aussedat, délégué syndical central CFE-CGC chez Alcatel-Lucent International, par l' animateur Jean-Jacques Bourdin sur RMC/BFM-TV :