Amputation arbitraire de plus de 50% du bonus cible des cadres : analyse juridique

Publié le par Intercentre CFE-CGC Alcatel-Lucent

Amputation arbitraire de plus de 50% du bonus cible des cadres : analyse juridique

Cet article a été mis à jour le 19 février 2015.
 

L' intersyndicale est toujours en attente de réponse de sa demande de RDV avec Michel Combes.
La CFE-CGC a toujours privilégié le dialogue au conflit, mais si Michel Combes refuse le dialogue et la négociation, alors la question du bonus viendra inévitablement sur le terrain judiciaire.
A toutes fins utiles, nous avons démarré  l'analyse juridique . Voici un état des lieux (non exhaustif) des textes et de la jurisprudence qui pourrait être invoqués en cas d'action devant les tribunaux.

Faculté de fixation unilatérale des objectifs
Selon la jurisprudence l’employeur a la possibilité, dans le cadre de son pouvoir de direction, de fixer de manière unilatérale pour chaque nouvel exercice (l'année civile dans le cas d'Alcatel-Lucent) les objectifs conditionnant l’octroi par le salarié de sa rémunération variable.
Cependant, la Cour de Cassation a pris le soin de poser deux conditions :
-les objectifs fixés doivent être réalisables,
-les objectifs doivent avoir été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.
Cass. Soc., 2 mars 2011, n° 08-44.977

Encadrement de l' engagement unilatéral de l'employeur 
Pour une large majorité des salariés Alcatel-Lucent en France, le paiement d'un bonus relève d'un engagement unilatéral de l'employeur et non d'un élément contractuel.
L' engagement unilatéral de l'employeur est néanmoins strictement encadré par la Cour de Cassation qui a fixé comme régle que "seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation peut constituer une condition d'application d'un tel engagement". A défaut les conditions d'application de l'engagement unilatéral ne sont pas opposables aux salariés. Donc l'employeur, s'il veut limiter la portée de son engagement, doit le faire au travers de clauses précises et objectives. Ce n'est évidemment pas le cas lorsqu'on invoque par exemple des circonstances exceptionnelles à la libre appréciation du conseil d'administration.
L' ex-société Lucent France a été condamnée plusieurs fois à ce titre dans un contexte très similaire à celui d' ALU.
Cass. Soc., 27 juin 2000, n° 99-41.926
Cass. Soc., 24 sept 2008, n° 07-40.708.
Cass. soc., 14 oct 2009 n° 08-43.881
 

Nullité des clauses  potestatives
Une clause potestative est une clause permettant à une des parties de se soustraire à une obligation de par sa seule volonté. Ces clauses sont tout simplement nulles en droit civil français.
Article L1174 du Code Civil

Inopposabilité des objectifs fixés dans une autre langue que le français
La position de la Cour de Cassation est très claire : à défaut de rédaction en français des objectifs, ceux-ci sont inopposables au salarié qui est alors en droit de demander le paiement intégral de sa rémunération variable, peu important que les objectifs aient été atteints ou non et que le salarié dispose d’une parfaite maîtrise de la langue utilisée.
Cette jurisprudence, qui déborde la question du bonus 2014, doit permettre aux salariés dont les objectifs ont été définis en anglais, de réclamer un rappel de bonus pour les 3 dernières années.
Article L.1321-6 du Code du Travail
Cass. Soc., 2 avril 2014, n° 12-30.191

Obligation d'informer  le Comité d'Entreprise
Le CE doit être informé préalablement de toute modification des régles affectant le système collectif de rémunération variable. A défaut l'employeur s'expose à des sanctions pénales pour délit d'entrave.
Article L2323-6 du Code du Travail
Article L2328-1 du Code du Travail
 
Exécution de bonne foi du contrat de travail
Et enfin ....last but not least
Le contrat de travail doit  être exécuté de bonne foi. Il s'agit d'une disposition fondamentale du Code du Travail. L'obligation générale de loyauté ne concerne d'ailleurs pas que les relations individuelles mais aussi les relations collectives. ALU a  déjà été condamnée à ce dernier titre et de façon exemplaire en 2012 pour déloyauté dans les négociations salariales.
Article L1222-1 du Code du Travail
 
En guise de conclusion provisoire, nous n'en sommes qu'au début de l'analyse juridique, mais nous voyons qu'il y a déjà largement de quoi faire. Plutôt que de vouloir passer en force dans le cas de la France, la Direction serait bien inspirée d'accepter de venir à la table des négociations.
 
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